Un triathlon qui laissera des traces dans le cœur de tous les participants avant tout par le tragique événement survenu en natation : le décès d’un concurrent, ou plutôt d’un compagnon de sport, par noyade (raisons exactes non encore communiquées au moment où je rédige ces lignes).
Nous avons appris cette triste nouvelle une fois la ligne d’arrivée franchie alors que nous étions heureux d’en finir après avoir bravé héroïquement les conditions tempétueuses du jour qui avaient rendues encore plus durs les parcours déjà très exigeants en temps normal... Une fois n’est pas coutume, le compte rendu de notre aventure sera succin car, alors que l’on voulait participer à une grande fête sportive pour retrouver au plus vite les plaisirs et la bonne ambiance de la compétition après mes déboires sur les 100 km de Millau 2017 (voir CR), le décès d’un triathlète de mon âge a très nettement rendu toute manifestation de joie malaisée.
La journée avait pourtant bien commencé, car avec le passage à l’heure d’hiver nous avions gagné une heure de bonus pour nous préparer dans le plus grand des calmes… avant que la tempête ne se lève !
Au départ de ce triathlon LD, se présentait une impressionnante start list pro (50 hommes + 20 femmes), on aurait cru un mini Hawaii. Il faut dire que Challenge Forte Village est pratiquement le dernier triathlon de la saison 2017 en Europe. Il se tient à SANTA MARGHERITA DI PULA, petite localité de l’extrême sud de la Sardaigne proche de Cagliari, et il faut le reconnaître, il existe peu d’endroits sur notre continent où l’on peut encore trouver des conditions estivales fin octobre ainsi qu’un terrain de jeu qui se prêtent merveilleusement à l’organisation d’un triathlon de niveau international. Beaucoup de pros et d’amateurs se sont donc donné rendez-vous ici pour leur ultime objectif de la saison, une finale européenne en quelque sorte.
8h00. Départ sur fond musical « Hard rock » des 50 pros hommes, suivi une minute plus tard de celui des 20 femmes pros. Pour nous « les groupes d’âges », ce sera 5 minutes plus tard un « mass start », avec ses avantages et ses inconvénients. Pour moi qui ne suis pas un nageur très rapide, le fait de profiter de la vague (drafting ou aspiration) créée par le déplacement des autres concurrents, me permet de nager (en principe) plus relâché et détendu et ainsi de préserver une énergie précieuse pour la suite de l’épreuve, d’autant que je ne bats presque pas des jambes pour me propulser.
Nous voici partis pour 2 km de natation avec sortie à l'australienne (une boucle de 1 km dans la mer, une course de 100m sur le sable avant d’entamer pour la seconde fois la même boucle) avant de sortir définitivement et de traverser le Forte Village Resort.
Le problème c’est que c’est impossible de nager détendu… ça nage trop dur pour moi dans ce début. Bien que je me sois placé sur le côté droit, à la limite extérieure du peloton, je prends régulièrement des coups de coude, de poings et de pieds violents. J’avais oublié combien je détestais cela et je me demandais ce que je foutais dans cet enfer à 50 ans passé. Je ne nage pas vite mais propre et surtout en respectant les autres, c’est l’esprit du sport mais sous le couvert aquatique, certains profitent de l’anonymat pour se déchaîner, pensant que la bagarre dans l’eau fait partie intégrante de notre sport. C’est peut-être le cas en France et en Italie, mais j’ai remarqué que sur le continent américain cette animosité n’existe quasi pas ! Le « fair-play » est effectivement une notion très anglo-saxonne.
Heureusement après la première bouée, le vent de face et les vagues ont fait dériver sur la gauche la horde sauvage et tout en conservant le bon cap, j’ai pu revenir un peu esseulé mais détendu vers la plage pour entamer calmement la seconde boucle. Le vent agite maintenant sérieusement la mer et il faut forcer dans le clapot pour ne pas ralentir. Je termine la natation lucide et frais. Sans perdre de temps, je cours vers le parc où mon vélo équipé pour l’occasion est prêt à être enfourché... mais avant cela il faut enlever la combinaison en néoprène qui coince avec ce pu…. de « timing chip » (puce chrono) à la cheville. Le temps passe toujours trop vite en T1… et j’ai toujours l’impression même en simplifiant au minimum les actions nécessaires, que j’ai oublié je ne sais quoi ! Combi enlevée OK, chaussettes OK, chaussures OK, ceinture porte dossard OK, casque avec visière intégrée OK, il n’y a plus qu’à ranger le matériel de natation dans le sac en tissu et puis c’est bon, je peux partir… pas besoin de double check ! Les sensations sont bonnes sur les 15 premiers kilomètres de plat en position aéro (non, pas « apéro » !), je commence déjà ma remontée dans le classement (je devais être en 200ème position après la natation). Mais, à l’approche de la première difficulté dans une succession de bosses qui m’avaient parues faciles lors de la reco (non, pas « repos » !), je ne sais quel braquet emmener et passe régulièrement en revue tous les pignons de ma roue. Le fort vent annoncé par la météo est effectivement déjà bien présent et souffle de face, en rafales. J'ai anormalement du mal à me mettre en danseuse et même assis, j’essaye de me rendre le plus compact possible. Le vent est d'une telle violence que je comprends que je vais devoir prendre mon mal en patience et m’économiser. Je n’ai pas la puissance ni l’expérience nécessaire pour grimper avec des rafales imprévisibles qui à tout moment risque de me faire sortir de la route. Passé le col (avant la course, je disais : « la montée »), je commence à me préparer psychologiquement pour la descente car il faudra être vigilent pour ne pas voler au tapis. De fait, dès les premiers virages, je vois des athlètes dont des pros, égratignés avec un matériel hors d’usage (la roue lenticulaire n’était pas le meilleur choix) . Malgré tout, je reprends doucement des concurrents un à un.
Mais face au vent, certains préfèrent s’associer en gruppetto (normal en Italie) défiant les règles et les arbitres. Je suis peut-être trop scrupuleux ou trop « vieille école », mais « NO Drafting » cela signifie encore quelque chose pour moi ! Du coup, je me sens souvent bien seul dans cette tempête où les vents soufflent à près de 50 km/h avec des rafles proches des 100 km/h.
Sur la route vallonnée du bord de mer qui nous ramène à Forte village, le vent est de côté et donc nettement plus favorable. Heureusement car les petites collines bien raides s’enchainent maintenant avec des pourcentages atteignant les 16%. Au km 80, c’est à dire à 10 km de la fin du parcours vélo (ils sont précis comme des Suisses nos amis italiens), mon compteur vélo indique un chrono de 2h45 ? Trop occupé à rester avant tout prix en sécurité sur mon vélo, je ne vais pas réaliser un bon chrono ! Du coup, un peu déçu, je fais encore ce que je peux pour essayer de mettre pied à terre sous les 3h de vélo... objectif raté de quelques secondes (En fait, après consultation du site du chronométreur officiel, mon temps vélo réel est de 2h51. L’explication c’est que la veille je pensais avoir fait un « reset » de tous les paramètres, manifestement j’ai du « zapper » celui du chrono qui me créditait d’une bonne dizaine de minutes supplémentaires).
Pieds sur les chaussures, je saute du vélo pile sur la « dismount line » et tout en poussant mon vélo, je cours en chaussettes assorties au tapis rouge qui mène au parc où attendent sagement mes chaussures et Elisabeth, cheveux au vent. C’est les retrouvailles, car on ne s’est plus vu depuis… 8h du matin. Bonne surprise, alors que je croyais avoir roulé comme un pépère, peu de vélo sont présents sur les racks. Du coup, je m’applique et cette fois ma transition T2 est rapide… chaussures, lunettes, visière et hop direction la sortie du parc sans temps mort. Dès le début de la course à pied, je sens que j’ai de bonnes jambes et que je vais me faire plaisir sur ce parcours.
Deux boucles sur un circuit vallonné dans un décor qui même pour des Corses fait son effet. Ce qui est génial avec ce système de boucle c’est qu’au fur et à mesure que les kilomètres défilent, je croise en permanence et reconnait l’élite du triathlon mondial. Pour ma part, j’ai le sentiment de bien avancer car je dépasse beaucoup de concurrent sur la première boucle. J’ai ma montre GPS Garmin au poignet mais je cours au feeling. Après un vélo difficile, je tiens avant tout à finir cette course en privilégiant le plaisir… celui qui m’avait tant fait défaut à Millau le mois précédent. A la fin de la première boucle, en passant devant la marque km 10, un rapide coup d’œil
sur ma montre indique que mon allure est en dessus de mes capacités… Il faut dire que la tempête est toujours d’actualité et dans certains secteurs, je suis resté scotché sur place (mains sur la tête pour ne pas perdre ma visière). Je décide d’oublier volontairement le chrono et après un 1er passage dans la zone d’arrivée et un second coucou à Elisabeth qui m’encourage en prenant en même temps des photos (forcément un peu floues), je repars pour ma seconde boucle. C’est la dernière ligne droite, et je peux accélérer facilement sur les 3 derniers kilomètres pour conclure le semi-marathon en 1h27.… ça fait plaisir, car j’ai finalement le sentiment d’avoir bien géré et de finir « fort »… Mais soudain, malgré la joie d’en finir, une pointe de déception se fait sentir, quand au moment d’entamer les derniers mètres, je vois le chrono géant installé sur l’arche d’arrivée afficher 4h59m59s… Pour7 petites secondes, je finirai au-delà de la barre des 5h. Tant pis ! Voilà ce qui se passe quand on ne veut pas consulter l’heure sur sa montre qu’on a pourtant pris soin de mettre à son poignet en début de course à pied.
« Happy Finisher » et en un morceau, sans bobos dans ces conditions difficiles, je m’estime déjà très satisfait. Il faut dire que cela faisait deux ans que je n’avais plus participé à un triathlon. Un manque de repères et de fraicheur (4 semaines seulement pour me préparer après mes déboires sur les 100 km Millau 2017) auront probablement fait plafonner mes allures dans les 3 disciplines.
74ème en 5h00 au milieu de tous ces champions et dans des conditions défavorables à tous niveaux. Rien d’une performance mais je suis globalement content car j'ai réussi avec les moyens du jour à faire une course équilibrée et où l’objectif principal « retour aux plaisirs du triathlon en compétition » a été plus qu’atteint.
Je n’ai pas souvenir d’avoir participé à un Half aussi dur physiquement et mentalement. Quand je vois les photos à l’arrivée, cela se voit sur mon visage que la journée à été difficile et pendant la première heure post-course j’ai eu les épaules contractées tellement j’avais été crispé sur mon poste de pilotage pour ne pas que les rafales de vent me poussent à la faute.